Le temps dans les religions
Conférence pour les enseignants secondaires,
Genève, le 8 mars 2005
Pour commencer, voici trois précisions :
C'est la perception du temps qui sera l'objet de ma
communication, non la perception de l'histoire ; j'ai en effet
l'impression qu'on confond trop souvent le temps pur, le temps
vide, et le temps rempli, c'est-à-dire l'histoire. Pensant
analyser le temps, on analyse en réalité la perception de
l'histoire.
Il sera question du temps dans l'expérience
religieuse de l'humanité. La religion est en effet une entité
vivante, elle est vie, c'est à dire qu'elle est pratique et
expérience.
On distinguera deux plans ou modes de l'expérience
religieuse : le plan de l'expérience naturelle et banale du temps,
et le plan plus spécifiquement religieux de l'expérience
surnaturelle. Mon exposé se divisera donc en deux parties.
Première partie : l'expérience naturelle et banale du temps et ses
incidences sur la vie religieuse. Deuxième partie : l'expérience
surnaturelle et spécifiquement religieuse du temps où nous
analyserons deux religions choisies, le bouddhisme et l'islam.
Première partie : l'expérience naturelle du temps et ses
incidences sur la vie religieuse
L'expérience naturelle du temps est déterminée par
l'observation du mouvement des astres. Cette expérience est
universelle, elle est la même pour tous les humains, sans
distinction de culture ou d'habitat. C'est principalement
l'observation de trois grands cycles qui crée le sentiment qu'il y
a un temps qui passe et qui par là même crée le temps. Voici les
trois grands cycles qui créent chez les humains la perception d'un
temps qui passe :
Le cycle journalier : matin, midi, soir, les veillées de la
nuit, nouveau matin...
Le cycle lunaire : nouvelle lune, lune croissante, pleine
lune, lune décroissante, nouvelle lune, et ainsi de suite.
Le cycle solaire : solstice d'hiver, équinoxe de printemps
solstice d'été, équinoxe d'automne, solstice d'hiver...
L'expérience du temps est donc cyclique. L'observation du
mouvement des astres crée le temps cyclique.
Toutefois, les cycles se suivent et s'alignent. Les jours
s'ajoutent aux jours, en une ligne ininterrompue de jours, une
ligne qui a commencé à un moment que les astronomes s'efforcent de
déterminer, et qui se poursuivra sans interruption vers un terme
qu'on ignore.
De même, les cycles lunaires, les mois lunaires, s'ajoutent les
uns aux autres, comme aussi les cycles solaires, les années.
Les cycles journaliers s'alignent pour former une ligne d'une
longueur virtuellement infinie : la lignée des cycles journaliers.
De même, il existe une lignée des cycles lunaires et solaires. Il
s'avère donc que l'expérience d'un temps cyclique est ipso facto
l'expérience d'un temps linéaire. Le temps cyclique, loin de
s'opposer à un temps linéaire, est en fait en lui-même
linéaire.
Le temps, ou la perception naturelle du temps, est cyclo-linéaire.
La cyclo-linéarité du temps permet de mesurer le temps, de
diviser la journée en heures, minutes et secondes, et de dater les
événements d'après les années solaires ou lunaires, et les mois et
les jours au courant des années.
En plus, il est tentant de procéder à des extrapolations et
d'appliquer le principe de la cyclo-linéarité du temps à d'autres
aspects de l'expérience humaine, par exemple en postulant une
cyclo-linéarité de la vie : naissance, adolescence, maturité,
vieillesse, mort et nouvelle naissance, adolescence, maturité,
vieillesse... et ainsi de suite, en une succession infinie de
nouvelles naissances ou de réincarnations. Les doctrines
réincarnationnistes sont en effet le produit d'une réflexion sur
la cyclo-linéarité naturelle de la vie et du temps de la vie.
Enfin, il est tentant d'appliquer le principe de la
cyclo-linéarité à l'existence du cosmos en postulant une naissance
du monde, son évolution suivie d'une involution et d'une fin du
monde, donnant lieu à de nouvelles naissances et de nouvelles
disparitions, donc une cyclicité, en un mouvement excessivement
lent d'univers multiples qui se succèdent en une linéarité
composée de ces cycles.
La perception – ou création – d'un temps cyclo-linéaire, fruit
de l'observation spontanée et immédiate de la nature, a des
incidences fort importantes sur la vie religieuse de l'humanité.
Les grands moments des cycles invitent en effet à les saluer, à
les célébrer, à en hausser les effets par des prières, des
offrandes et d'autres formes de culte. Toutes les traditions
religieuses connaissent des activités cultuelles à des moments
précis de la journée : lever du soleil, midi, coucher, au cours de
la nuit, ou encore lors des phases de la lune ou du mouvement du
soleil. Un exemple : la période du solstice d'hiver est dans de
nombreuses civilisations un temps particulièrement prisé pour
célébrer des événements cultuels. Ajoutons que dans diverses
civilisations, l'observation du mouvement d'autres planètes
contribue à enrichir et diversifier le calendrier liturgique.
Deuxième partie : l'expérience spécifique du temps dans deux
traditions religieuses
A. L'expérience du temps dans le bouddhisme
A l'instar de toutes les traditions religieuses, le bouddhisme
connaît lui aussi, l'expérience naturelle du temps dont nous
venons d'explorer les caractéristiques. Les activités liturgiques
et cultuelles du bouddhisme s'orientent en effet au phases du
cycle lunaire.
Toutefois, l'expérience spécifiquement bouddhique, donc
religieuse, montre un autre visage. Pour comprendre cela, il faut
rapidement évoquer l'essence de l'enseignement bouddhique.
L'expérience bouddhique se fonde sur une anthropologie
particulière. La cosmologie n0intéresse guère e Bouddha et ses
disciples. Tous les dogmes fondamentaux du bouddhisme sont d'ordre
anthropologique. Le Bouddha, dit-on, ne voulait pas expliquer le
monde mais sauver les humains. Or, qu'est-ce que l'être humain ?
Contrairement aux apparences, et en opposition radicale avec la
pensée occidentale, l'être humain n'est ni un individu ni une
personne. Il l'est assurément au niveau d'une approche naïve et
naturelle, mais superficielle, de son être. L'homme est une
personne dans la vie quotidienne et pour la vie quotidienne. En un
mot, nous sommes des personnes dans le monde empirique. Cela fait
partie de la « vérité à usage courant », vyavahârika satya,
la vérité convenue pour tous les jours, la vérité dont nous avons
besoin pour survivre. Mais au niveau de la « vérité véritable » ou
« vérité ultime », paramârtha satya, l'être humain n'est ni
un individu ni une personne. Il n'est même pas un être.
En vérité ultime, paramârtha satya, ce qui apparaît
comme un être, un être humain, est le jeu infiniment subtil des
interactions de cinq skandha, de cinq « tas » ou « amas »
(couramment « agrégats ») de particules. Ce qui au niveau de la
vérité banale nous apparaît comme un être vivant, est un
entassement granulaire constamment fluctuant. Or, ces particules,
grains minuscules, ont des caractéristiques dont il faut
mentionner au moins deux : elles n'ont ni durée ni nature
substantielle.
Les particules manquent en effet de durée, elles sont
anitya, « sans durée ». Elles sont ponctuelles, elles
apparaissent pour disparaître immédiatement, elles ignorent
totalement la dimension du temps. Elles sont atemporelles.
Atemporelles en elles-mêmes, elles ne peuvent pas non plus être
perçues dans une suite temporelle puisque aucun des cinq « amas » de
particules ne dispose d'un élément de durée.
En un mot : au niveau de la « vérité véritable » le temps n'existe
tout simplement pas. La « vérité véritable » est atemporalité pure
(d'où l'insistance, dans l'enseignement et la pratique
bouddhiques, sur la « présence d'esprit », l'attention au moment et
à sa ponctualité.)
La deuxième caractéristique de ces particules atemporelles :
elles manquent de « substance propre », elles sont « vides », elles
n'ont pas d'« être intrinsèque », de âtman, elles sont
anâtman. Ce qui au niveau de la vérité banale apparaît
comme un être humain, en réalité un amassement atemporel de
particules atemporelles, est vide de substance propre, est
dépourvu d'être.
C'est cette atemporalité pure, cette absence de nature propre
des particules atemporelles, cette « vacuité » de ce qui semble
constituer un être, que le méditant bouddhiste essaie de réaliser.
S'il y parvient, s'il devient atemporalité et vacuité de tout ce
qui semble le composer, il sera sauvé, il sera buddha, il
sera « éveillé » à la vérité véritable :
existant/inexistant, au-delà du temps et de l'espace il ne sera
plus, il sera nirvâné. On dit que le Buddha Shakyamuni,
ayant réalisé cet état au-delà de tout état, ce non-état, a vécu
une félicité au-delà de tout nom, une félicité dont il ne voulait
plus se départir.
Le temps n'existe pas : voilà l'expérience authentiquement
bouddhique du temps.
B. L'expérience spécifique du temps dans l'islam
Rappelons que l'islam lui aussi connaît et pratique le temps
naturel, le temps cyclo-linéaire et qu'il s'en inspire pour sa
pratique liturgique et cultuelle (importance du cycle
lunaire !)
Mais en islam, l'expérience religieuse spécifiquement islamique
est en principe déterminée et dirigée par la Révélation, c'est-à-dire
par le Coran et la sunna, l'« habitude » du Prophète,
sa manière de vivre en sa personne l'islam, son interprétation
normative de la Révélation. En régime islamique toute piété et
toute expérience religieuse s'inspirent de la tradition coranique
et muhammadéenne. Je me propose donc de baser mon exposé sur un
passage du Coran qui me paraît particulièrement signifiant.
Coran 57,3-5 :
« (Dieu) est le Premier et le Dernier,
l'Extérieur et l'Intérieur (l'Apparent et le Caché, le Visible et
l'Invisible, le Manifeste et le Non-manifeste), et il sait toutes choses.
C'est lui qui créa les cieux et la terre en six jours.
Puis, il s'est installé (en majesté) sur le Trône.
Il sait ce qui pénètre dans la terre et ce qui en sort,
et ce qui descend du ciel et ce qui s'y élève, et il est avec vous où
que vous soyez. Dieu, sur ce que vous faites, est clairvoyant.
A lui le règne des cieux et de la terre, et Dieu
fait revenir les choses à lui. »
On aura remarqué les nombreux échos de la Bible hébraïque,
comme aussi du Nouveau Testament, mais le passage condense
l'essentiel de ces réminiscences circonscrivant l'expérience
islamique en peu de mots.
Ont notera tout d'abord quatre des célèbres Noms de Dieu : Dieu
est « le Premier et le Dernier, le Manifeste et le Non Manifeste ».
Il est le Premier, il précède toutes les créatures qu'il va faire
apparaître, et il est le Dernier, il englobe toutes les créatures,
mettant fin à leur existence et les ramenant à lui (« Dieu fait
revenir les choses à lui »). En dehors de lui, il n'y a rien. Dieu
est l'unique Existant. Tout ce qui existe encore, existe en lui,
par lui et pour lui. La « déclaration d'unicité », tawhîd,
selon laquelle « il n'y a de Dieu que Dieu », ce condensé des
certitudes théologiques de l'islam, signifie concrètement : « il n'y
a rien, rien n'existe, si n'est Dieu seul ; il n'existe rien sauf
Dieu », Dieu étant l'unique Etre.
La conviction que rien n'existe en dehors de Dieu, que tout
existe par Dieu et en Dieu, est entrée profondément dans la
mentalité islamique. Qu'on pense aux nombreuses formules
courantes, coraniques ou autres, avec lesquelles le musulman
réfère constamment sa propre personne et tout ce qui lui arrive à
Dieu. Tout est volonté et oeuvre de Dieu, et tout ramène toujours à
lui.
Ces deux Noms de Dieu : « le Premier » et « le Dernier », renferment
une durée, un espace de temps. Le temps n'est rien, il n 'existe
pas, si ce n'est en Dieu. Dieu est le temps.
A ces deux Noms clefs, le Coran en ajoute deux autres : Dieu est
« le Manifeste et le Non Manifeste ». Ces deux Noms dénotent une
structure en Dieu, pour ainsi dire dans son intériorité. Les
phénomènes qui deviendront le monde empirique sont d'abord la
manifestation, dans l'Etre même de Dieu, de son Etre non
manifesté. Non Manifesté, il est cachée dans son Etre le plus
intime. Manifesté, il déploie, en son propre Etre, son Etre non
manifeste. Non Manifeste, il cache en son Etre intime son
omniscience atemporelle et la multitude de ses Noms. La
manifestation consiste dans le déploiement, dans l'intériorité
divine, du contenu de son savoir et de ses Noms. On pourrait dire
que Dieu projette sur l'écran de sa propre intériorité l'immensité
de son savoir éternel et la multitude de ses Noms.
En Dieu, dans le savoir de Dieu, tout est éternel, sans
changement, car le savoir de Dieu et ses Noms sont radicalement
atemporels. Atemporels, ils sont aussi ponctuels. Ils sont le
point qui s'étend dans l'infini et l'instant qui recouvre
l'éternité. Or, le savoir illimité de Dieu et les Noms divins
contiennent en puissance, dans l'Etre divin, tous les phénomènes
qui formeront le monde créé. Dans l'Etre atemporel de Dieu, les
phénomènes de la manifestation sont donc atemporels, éternels, et
immatériels.
Toutefois, ces phénomènes atemporels et purement spirituels
peuvent être appelés à une existence temporelle par l'acte
créateur de Dieu. Dieu prononce alors le fameux impératif
coranique « kun ! »,
« sois ! » qui marque l'acte créateur.
C'est par l'impératif « kun ! »,
« sois ! » que le monde de la
créature existe et qu'il est sans cesse renouvelé.
Le monde créé par le « kun ! »
est autre que son existence éternel puisqu'il est instantané
et soumis au changement. Mais il existe toujours en Dieu
puisque l'Etre contient toutes choses – n'est-il pas le Premier
et le Dernier ? – les choses incréées et éternelles comme les
créées et éphémères.
Or, qu'en est-il du temps ? A l'instar de toutes choses, le
temps existe éternellement, non déployé, ponctuel, dans le savoir
atemporel de Dieu. En son essence propre, le temps est en effet
atemporel et ponctuel. Il est atemporel aussi dans son déploiement
dans l'Etre atemporel de Dieu. Mais le temps atemporel, non
manifeste et manifeste, déployé dans l'Etre même de Dieu, est
susceptible d'être activé par l'acte créateur de Dieu, par le
kun ! divin qui lui donnera l'existence d'une créature. Et
à l'instar de toute créature, le temps créé demeure englobé dans
l'Etre divin, car Dieu sera toujours et immuablement « le Premier
et le Dernier. »
La suite du texte coranique évoque justement l'apparition du
temps comme créature : « C'est lui qui créa les cieux et la terre en
six jours. » Ici, le « kun ! » divin est implicite. Ces
quelques mots, empruntés à la tradition biblique, dénotent la
création du temps cyclo-linéaire, le temps naturel dont nous avons
parlé au début de notre exposé. Il était virtuellement,
invisiblement, présent dans le savoir atemporel de Dieu.
Désormais, il sera visible, grâce aux astres, jusqu'à ce que Dieu,
« le Dernier », le ramène à lui. Car son existence en tant que
créature dépendra toujours de la volonté créatrice de Dieu qui est
« le Premier et le Dernier. »
Ayant mentionné la création des six jours, le texte coranique
se départit de la tradition biblique. Loin de « se reposer » de ses
travaux, Dieu « s'établit majestueusement sur le Trône. » Cette
tournure, très fréquente dans le Coran, signifie entre autres
qu'il a établi l'ordre de l'univers et dans l'univers, assignant
leurs tâches aux garants du temps cyclo-linéaire que sont le
soleil, la lune et les astres (Coran 7,52).
Notre texte se termine par l'affirmation que la création tout
entière est dirigée par le savoir de Dieu et par sa présence
universelle : « Il est avec vous où que vous soyez. » Les humains
vivent toujours et partout en Dieu, par Dieu et pour Dieu. Pour
eux, l'expérience religieuse consistera à sentir, dans les
événements du temps cyclo-linéaire, la présence du temps
atemporel, caractéristique du Dieu atemporel. Il faut que chaque
point du cycle et de la ligne du temps empirique devienne
infinité, que chaque instant du temps naturel redevienne
atemporalité surnaturelle, divine. Ce qui signifiera que le
musulman fidèle revivra l'atemporalité de son être, atemporalité
qui est son être véritable dans le savoir atemporel de Dieu.
Conclusion
Dans le bouddhisme comme dans l'islam, l'expérience religieuse
du temps contraste radicalement avec la perception spontanée du
temps cyclo-linéaire. Dans l'expérience bouddhique, le temps
n'existe pas au niveau de la vérité véritable, mais en vertu de la
doctrine de la vacuité de toutes choses, le temps est, tout en
étant inexistant, intégré au temps cyclo-linéaire de la vérité
d'usage courant. Dans l'expérience islamique en revanche, le temps
ordinaire, cyclo-linéaire, est ramené à son origine divine où,
dans l'intimité de l'être divin, il est ponctuel et atemporel.
Non manifeste et manifeste, déployé, dans l'Etre éternel de
Dieu, il devient, par l'acte créateur de Dieu, le temps ordinaire,
cyclo-linéaire de la création visible. L'expérience du musulman
consiste en un dépassement constant du temps ordinaire par le retour
à l'atemporalité de Dieu. Dans les deux cas, bouddhique et
islamique l'expérience religieuse implique un dépassement du temps
ordinaire, voire son annulation, soit qu'il s'abolit dans la
vacuité universelle, soit qu'il se fond dans l'atemporalité
divine.
Y a-t-il des passerelles qui conduisent du temps ordinaire au
non temps de l'expérience religieuse ? Il y en a : ce sont les actes
religieux réguliers, les rites, les cultes qui égaient à des
moments précis le déroulement monotone du temps cyclo-linéaire.
Toutes les traditions religieuses connaissent l'acte religieux qui
est passage de la vérité de surface à la vérité véritable, passage
du temps cyclo-linéaire au non temps de la vérité ultime. C'est
dans le rite que culminent la vie et l'expérience religieuses, que
s'achève l'aventure religieuse, cette aventure qui ancre
l'éphémère dans l'essentiel, qui fait goûter à l'atemporalité
divine, qui fait savourer le charme de l'être/non être
inimaginable. Le rite, acte religieux par excellence, libère le
chercheur des contraintes du temps cyclo-linéaire, et par là même
le libère des contraintes de l'existence tout court. Par sa beauté
et par son intensité, l'acte religieux rend le pratiquant
victorieux des vanités de la vie.
L'acte religieux invite le chercheur avide de vérité à explorer
les espaces illimités d'un au-delà à la fois infiniment proche et
infiniment lointain.