La vérité des religions
Conférence pour la paroisse réformée, Lutry, 24 novembre 1999
Introduction
En principe, il y a quatre réponses possibles à la question
posée : La vérité des religions.
a) Toutes les religions sont fausses, des projections de
l'esprit, des illusions (Freud, Marx, les scientifiques
scientistes).
b) Toutes les religions sont fausses, exceptés la mienne,
christianisme ou islam (= peut-être la réponse la plus
courante).
c) Ma religion est vraie, c'est la seule qui contient toute la
Vérité, mais dans les autres religions il y a des grains de vérité
(= attitude traditionnelle, depuis l'antiquité, des théologiens
ouverts à la problématique des religions ; réponse officielle de
l'Eglise romaine depuis Vatican II).
d) Toutes les religions sont vraies, car toutes les religions
conduisent au même but ; comme il y a plusieurs voies qui
permettent d'arriver au sommet d'une montagne (réponse moderne
suggérée par une certaine lecture d'une tradition hindouiste,
reprise par des théologiens "de pointe". Réponse
volontiers offerte par des personnes sans engagement
religieux).
Peut-être y a-t-il, de nos jours, encore une cinquième réponse.
Elle dirait : toutes les religions sont bonnes, vraies et
intéressantes, excepté le christianisme qui, lui, est absurde et
culpabilisant, donc faux. Hélas ! (Réponse qui est le fruit de
ressentiments et d'ignorance, donc à écarter).
Notre propos : proposer quelques réflexions élémentaires
susceptibles – peut-être ! – de faire aboutir à une réponse qui
n'est pas seulement celle d'un sentiment mais qui s'inscrit dans
une perception systématique de la problématique.
A. Qu'est-ce qu'une religion ?
Nous ne nous demandons pas : qu'est-ce que la religion,
c'est-à-dire la religion comme phénomène abstrait ou général. Car la
religion ne se présente jamais sous une telle forme. Elle est
toujours un fait concret et particulier : la religion d'une
personne ou d'un groupe de personnes, d'une communauté religieuse.
Elle peut même devenir la pratique d'un peuple et se présenter
comme une civilisation. C'est le cas, évidemment, des
"grandes religions", christianisme, islam, hindouisme,
bouddhisme etc. Nous nous demandons par conséquent : qu'est-ce
qu'une religion ? Une religion comme le christianisme ou
l'islam ?
En réfléchissant à cette question, nous constatons
immédiatement qu'une religion – le christianisme, l'islam, le
bouddhisme etc. – est comparable à un édifice à trois étages ou
trois niveaux. Cette observation est absolument fondamentale.
Comment définir ces trois niveaux ?
a) Il y a tout d'abord le niveau de la pratique concrète,
niveau le plus évident, le niveau visible et palpable : des rites
(culte individuel et/ou communautaire,baptême, eucharistie, des
prières, lectures publiques etc.) ; une organisation communautaire
(Eglise, hiérarchie, bref : l'institution religieuse) ; des
exigences d'ordre moral ou éthique (une"Loi"), donc un
comportement individuel et/ou social, un style de vie impliquant
en général des incidences sur la vie politique, juridique, voire
économique de la société dans son ensemble, c'est-à-dire de l'Etat
(phénomène particulièrement évident dans le cas de l'islam, mais
aussi du christianisme).
Ajoutons dès maintenant (nous y reviendrons) que cette
insertion de la religion dans la vie concrète des gens et des
sociétés expose la pratique religieuse au danger mortel de
l'instrumentalisation et de la manipulation dans l'intérêt du
pouvoir, individuel, étatique ou ecclésiastique – pervertissement
fréquent mais fatal de la religion.
Voilà la religion au niveau du monde sensible, la religion
telle qu'elle se présente à l'observateur qui se fie uniquement à
ses sens physiques (rappelons dans ce contexte que certains
ethnologues qui se proposaient uniquement de décrire la société
qu'ils étudiaient niaient l'existence d'un phénomène distinct
appelé "religion" ; pour eux, tout n'étaient que
comportement individuel et communautaire).
b) Tous ces phénomènes visibles renvoient à un autre étage, à
un domaine invisible, à un monde spirituel qui est radicalement
inaccessible aux sens physiques, accessible uniquement à
l'intelligence. Parce qu'il est accessible uniquement à
l'intelligence, on l'appelle aussi "intelligible".
C'est dire que les rites que nous avons mentionnés sont censés
nous mettre en contact avec des entités intelligibles ou
spirituels, tels le Christ vivant, Dieu, le Saint Esprit, parfois
aussi des anges ou des humains décédés mais ressentis comme
vivants : les saints, la Vierge etc. Le pratiquant à la certitude
que ces êtres spirituels cherchent de leur côté à entrer en
contact avec les humains : que le Saint Esprit agit dans les coeurs
et dirige les humains, que Dieu et le Christ vivant aiment le
fidèle, ou encore que Dieu, le Créateur et Sauveur des créatures
leur accordera le don de la vie éternelle,vie éternelle qui sera
bien entendu un forme d'existence spirituelle.
C'est dire qu'à côté de la vie religieuse extérieure, au niveau
du sensible, il y a la vie religieuse intérieure, au niveau de
l'intelligible. C'est le cas de tous les systèmes religieux,
islam, bouddhisme, hindouisme etc.
c) Mais toutes ces religions savent qu'au dessus du domaine de
l'intelligible, ou à l'intérieur de la religion intérieure ou
spirituel, il y a un dernier niveau, un niveau ultime, qui est le
Divin inconnaissable ou l'Ultime tout court. L'Ultime tout court,
inconnaissable, indéfinissable, indicible, sans forme et sans
visage, est la Source de toutes choses, le Fondement de l'univers
et de la vie. Il est Vie, l'Energie vitale mais transcendante qui
fait apparaître et qui anime et le monde spirituel et le monde
visible. Et toutes les religions précisent que cet Ultime sans
formes et sans visages se donne des formes et des visages
spirituels, qu'à travers ces formes et visages spirituels l'Ultime
inconnaissable se donne à connaître et que l'Ultime dépourvu de
parole se fait Parole.
Le niveau du spirituel est donc le lieu d'une convergence entre
le désir de l'Inconnaissable de se faire connaître, et du désir
des humains d'entrer en communication avec l'Ultime. C'est en
pénétrant dans le monde spirituel que l'être humain religieux fait
la connaissance de l'Ultime inconnaissable, qu'il s'associe à
l'Ultime inconnaissable et qu'il s'unit à l'Ultime
inconnaissable.
Le monde spirituel est le pont qui relie le monde physique et
matériel à la Source ultime et inconnaissable de toutes choses,
c'est le domaine intermédiaire où se rencontrent les pôles
extrêmes de l'univers : le pôle du Fondement inconnaissable de
toutes choses d'un côté, et le pôle du monde matériel et visible
de l'autre.
En ce qui concerne le christianisme, nous avons déjà mentionné
les entités spirituelles de ce pont ou domaine intermédiaire : ce
sont essentiellement les visages de Père, de Fils et de Saint
Esprit, c'est-à-dire la Trinité. La théologie chrétienne n'a
jamais cessé de défendre ces deux aspects de l'Ultime chrétien : il
est à la fois UN, Unité inconnaissable, et Trois Visages qui se
donnent à connaître. Qui connaît les Visages de la Trinité,
connaît ipso facto l'Inconnaissable.
La perception de ces trois niveaux – l'Inconnaissable, le
domaine spirituel ou intermédiaire, et le monde sensible – nous
aidera à progresser dans notre enquête sur la Vérité des
religions.
B. La réalité du monde spirituel
Pour commencer, insistons sur le fait que toutes les religions
affirment l'existence d'un monde intermédiaire, spirituel et
invisible, qui s'insère entre l'Ultime inconnaissable et le monde
phénoménal, visible. Ce monde intermédiaire, c'est d'abord les
multiples visages du Divin – Allah avec ses Noms, les grandes
divinités de l'hindouisme, le Bouddha (ou les bouddhas)
spirituel(s) (les Bodhisattva) etc. Mais ce sont dans toutes les
religions encore d'autres êtres ou entités spirituels (dans
l'islam : le Calame, le Livre caché, les Livres, la Lumière de
Muhammad, les anges etc.). Chaque religion connaît et vénère son
propre monde spirituel, et pour chaque religion, le monde
spirituel qu'elle connaît et qu'elle affectionne est l'image
véridique de la réalité intermédiaire ; cette image est donc –
"subjectivement" – vraie.
La question de la vérité des religions émerge ainsi comme la
question de la vérité des mondes intermédiaires. Avant de traiter
de la vérité des diverses images du monde intermédiaire il faut
savoir si oui ou non un tel monde existe ou qu'il peut exister. Un
monde spirituel, un domaine assurant la jonction entre
l'Inconnaissable et le visible, un tel monde existe-t-il vraiment ?
J'aimerais proposer trois arguments en faveur d'une réponse
positive à cette question.
a) L'existence d'un univers spirituel est implicitement admise
par tout le monde, y compris les scientifiques les plus
réfractaires à toute question religieuse. Ils admettent tous,
implicitement, l'existence d'un monde spirituel. Car qu'est-ce
qu'une science, ou qu'est-ce que l'ensemble des sciences, si ce
n'est la construction d'un monde ou de plusieurs mondes
intelligible(s), c'est-à-dire spirituel(s) ? Une science consiste à
scruter une particule du monde visible afin de la rendre
intelligible. C'est dire qu'on la transpose du matériel/sensible à
l'intelligible, c'est-à-dire au spirituel. On transfère le
matériel vers un système cohérent de concepts purement
intellectuels. Ce système, fruit d'un effort intellectuel,
c'est-à-dire spirituel, n'est nullement identique à la matière étudiée.
Il en est une abstraction, un modèle, figurant dans l'esprit du
chercheur, modèle spirituel qui, moyennant des manipulations
intellectuelles, donc spirituelles, permettra de développer des
techniques permettant, dans certains cas, d'agir sur la matière et
de la transformer. Aucune personne de science ne contestera la
validité, du moins relative, de ces mondes
intellectuels/spirituels. Les mondes spirituels existent !
b) Tous les humains sont conscients du fait que le Fondement
ultime de toutes choses est insaisissable et inconnaissable. On ne
peut en dire ni qu'il est d'ordre matériel ni d'ordre spirituel.
Il est au-delà des choses et des concepts. Les thèses
cosmogoniques de nos astrophysiciens et cosmologues elles-mêmes
(big bang et compagnie) n'offrent aucune réponse à des questions
concernant l'"avant" de la première explosion ou de sa
cause ultime. A ce sujet, les érudits font sagement régner le
Silence – c'est le même Silence que celui dont les religions font
état quand elles essaient, sans succès, de caractériser l'Ultime
inconnaissable. Mais simultanément ces mêmes cosmologues sont bien
obligés d'admettre implicitement – probablement sans s'en rendre
compte – l'existence d'une sorte de loi ou de règle spirituelle,
dont la nature peut être inférée à partir de ses conséquences,
c'est-à-dire à partir du processus de déploiement de l'univers
naissant tel qui est modélisé par les astrophysiciens. Il existe
une loi inhérente au déploiement de l'univers, qui contrôle les
processus. Cette loi, médiatrice spirituelle entre
l'Inconnaissable et les phénomènes de l'univers visible, a présidé
à l'évolution de ce dernier. Il existe donc un domaine
intermédiaire entre l'Ultime inconnaissable et le monde des
phénomènes visibles.
c) Un troisième argument m'est particulièrement cher bien qu'il
ne soit probablement pas reçu par tout le monde. C'est que la
pratique religieuse de l'humanité tout entière a consisté non
seulement à affirmer péremptoirement l'existence d'un univers
spirituel mais à effectivement communiquer avec lui. Il n'est pas
possible d'étudier les témoignages de gens pratiquant les
religions les plus diverses sans se convaincre de leur
authenticité, de leur vérité. Ce sont en particulier ceux qu'on
considère comme des mystiques, dans les grandes religions, mais
aussi les chamanes des religions archaïques et tribales, qui
évoquent leur rencontre avec le monde de l'Esprit, des divinités
et des esprits avec une telle simplicité et limpidité, qu'on ne
peut être qu'impressionné par ces accents de vérité (dans ma vie
personnelle : la découverte de Māṇikkavācakar). On ne peut pas
s'occuper de ces témoignages sans être envahi par la certitude que
OUI, ces réalités spirituelles existent.
Je me demande souvent si l'homme moderne, celui qui depuis deux
ou trois siècles a développé les sciences matérialistes, a raison
de se croire plus intelligent et plus sage que toute l'humanité
avant lui. Sommes-nous, les pionniers et les Prix Nobel des
sciences matérialistes vraiment plus avancés que les sages de
l'antiquité grecque ou chrétienne, que les maîtres des Upanishad
et de la bhakti hindouiste, que le Bouddha et ceux qui l'ont
suivi ? Je sais bien que de nos jours les sommités de la recherche
scientifique récusent très souvent le scientisme plat de leurs
prédécesseurs. Mais toujours est-il que l'esprit de ce scientisme
plat est encore le pain quotidien de nos écoliers – le seul auquel
ils ont droit –.
Malgré le fait (qui pourrait être un quatrième argument en
faveur de l'existence d'un monde spirituel) qu'on entend de plus
en plus fréquemment des voix qui se plaignent de l'absence, dans
notre monde actuel, de spiritualité !
Conclusion : en ce qui concerne la perception de la vérité, le
scientisme matérialiste qui domine encore notre société n'est pas
plus avancé que les spirituels et les mystiques de tous les temps,
loin de là ! Admettons donc que le monde spirituel existe. Et que,
par conséquent, les religions sont vraies. Car la vérité des
religions dépend de l'existence des univers spirituels.
C. Unité et diversité des religions
Il est indispensable de nuancer cette conclusion et de nous
interroger sur les conséquences qui en découlent. Si toutes les
religions sont vraies, sont-elles toutes équivalentes ou
égales ?
a) Nous avons constaté que toutes les religions
s'accordent sur un point essentiel : l'Ultime fondamental est
au-delà de toute pensée, de tout discours, de toute connaissance
possible. Il est évident qu'à ce niveau ultime et radicalement
transcendant toutes les religions se rencontrent et sont
identiques – parce qu'elles sont unies dans le Silence de
l'Inconnaissable.
b) Passons maintenant au niveau opposé, à celui du sensible, du
concret, des rites, de l'organisation sociale, bref, de
l'institution religieuse, quelle soit chrétienne, islamique ou
bouddhiste, par exemple. A ce niveau, la diversité irréductible
des religions saute aux yeux. Les institutions religieuses de
chaque grande tradition sont inconciliables avec toutes les
autres. On ne peut pas être simultanément chrétien et musulman, ou
bouddhiste. L'existence de toute personne religieuse s'inscrit
dans un cadre religieux particulier. Une institution religieuse
universelle qui engloberait toutes les institutions particulières
est inconcevable. On pourrait imaginer, à la rigueur, que les
institutions religieuses appartenant à la même grande tradition,
chrétienne, par exemple, puissent fusionner. Mais les difficultés,
voire l'échec des efforts qui vont dans ce sens, tel du mouvement
oecuménique, ou de toute tentative de faire revenir les Eglises
dissidentes à l'Eglise de Rome, montrent à satiété que toute
institution religieuse fait preuve d'une grande inertie et qu'elle
se rebiffe contre l'idée de se sacrifier en faveur d'un ensemble
plus vaste.
Quelles sont les causes de cet état de fait ? J'en vois au moins
deux.
D'un côté, c'est le besoin parfaitement légitime de rester
fidèle à ce qui a été légué par les anciens. Personne n'aime à
détruire ce que ses aînés ont construit. Notre époque elle-même
qui chambarde tout et qui encense le principe révolutionnaire
ressent le besoin de sauvegarder quelques institutions qui ont
fait leurs preuves par le passé. L'institution religieuse en fait
certainement partie.
D'autre part, il est inévitable d'inculper ici le grand ennemi,
l'ennemi mortel de la vie religieuse : le pouvoir. L'institution
religieuse se prévaut certes d'un acte créateur de Dieu, et ne
saurait contester la présence d'une influence divine. Mais elle
est aussi une institution humaine, trop souvent livrée au pouvoir
de ceux qui la dirigent. Et le pouvoir fait des ravages, par
exemple en imposant sa propre perception de la bonne tradition à
l'ensemble de la communauté religieuse, c'est-à-dire en créant
une "orthodoxie" qu'il entend maintenir à tout prix. Ce
n'est d'ailleurs pas seulement le pouvoir religieux qui manipule
ainsi son institution ; c'est très souvent aussi le pouvoir
politique qui s'en mêle en instrumentalisant l'institution
religieuse à ses propres fins.
L'institution religieuse accuse assurément quelques ambiguïtés.
Elle est néanmoins indispensable. La vie religieuse ne s'épanouit
qu'au sein d'une communauté, de ses rites, de son enseignement
communautaire, des liens d'amitié et de soutien réciproque qui
unissent ses membres. On ne saurait sous-estimer l'importance des
rites, car ce sont eux qui encouragent les fidèles à passer
au-delà du sensible.
Mais à ce niveau-là, au niveau du sensible, de la pratique
extérieure et de l'institution religieuse, aucune religion n'est
intégralement vraie. Sa vérité est toujours assombrie par des
erreurs et des faiblesses humaines.
c) Reste le monde intermédiaire, le niveau du spirituel. Il est
accessible à toute personne religieuse, et toute personne
religieuse s'y meut dans une certaine mesure avec aisance. Toute
personne religieuse a aussi la liberté de l'explorer plus à fond,
de vivre plus pleinement les dimensions spirituelles de sa
pratique et de s'élever jusqu'à l'intimité des êtres divins que
connaît sa tradition. Le chrétien, par exemple, a tout loisir à
devenir de plein droit enfant de Dieu, frère ou soeur véritable du
Christ, premier-né parmi beaucoup d'enfants de Dieu, à fréquenter
la Trinité et à devenir divin par participation.
Le domaine du spirituel et de la spiritualité est illimité. Il
ne se confine pas dans le cadre bien circonscrit d'une tradition
particulière. La personne de spiritualité qui s'y meut librement
peut s'ouvrir à d'autres formes de spiritualité, islamique,
hindouiste ou bouddhiste etc. Approfondissant de pus en plus la
spiritualité de sa propre tradition, il rencontre ses autres
traditions, fraternise avec elles, commence à les aimer. En son
esprit, les traditions de spiritualité se fécondent mutuellement,
et s'il rencontre des êtres de spiritualité d'autres traditions,
il cherche l'échange avec eux. L'exploration du domaine du
spirituel est un travail sans terme qui s'accompagne toujours
d'une joie divine.
Alors, à mesure que cette exploration avance et que les
découvertes et les expériences libératrices s'accumulent, la
personne de spiritualité remarque un phénomène signifiant. C'est
que sa propre tradition, l'institution religieuse dans laquelle
elle a été élevée et qui l'a nourrie depuis le moment où elle s'est
éveillée au miracle de la religion, et bien entendu aussi la
spiritualité qui la fonde, lui deviennent de plus en plus chères.
Une personne de spiritualité ne ressent aucun besoin de mépriser
sa tradition, voire son institution religieuse, ni de changer de
religion. Tout changement de religion est la conséquence d'une
méconnaissance et d'une familiarité insuffisante avec la
spiritualité.
Pour une personne de spiritualité, sa propre religion reste
vraie, belle et passionnante, en dépit de ses faiblesses et de sa
nature humaine, parfois trop humaine.