Prof. Dr. Carl-A. Keller
* 02.08.1920, † 07.04.2008
Professeur d'Ancien Testament
puis de science des religions
à l'Université de Lausanne

Histoire de la spiritualité chrétienne : quelques repères

1. Le Nouveau Testament : Insistance sur la nécessité de la « foi » = la confiance absolue en Dieu et dans le Christ (les Evangiles synoptiques, Paul) et sur l'expérience d'une relation étroite avec le Christ (Jean ; – cf. Jean 14,20).

2. Le christianisme « gnostique » : Dans la lignée de Paul et de Jean, découverte de l'appartenance de l'âme au Plérôme du Père et mise en valeur de la « gnose » (gnôsis), de la « Connaissance » expérientielle qui est réalisation libératrice de l'appartenance au Plérôme.

3. La « gnose » de l'Eglise hiérarchique (Clément d'Alexandrie IIe s., Origène, † 254, les « Cappadociens », IVe s.) : La « gnose » libératrice offerte par le Christ, sur le fond de l'histoire du salut (récit de l'Ancien Testament) ; notion de la Grande Ténèbre – l'inconnaissance (Ex. 20,21 ; 24,15-16) dans laquelle se cache la Splendeur divine.

4. Naissance de la spiritualité monastique (IIIe-IVe s.) : Les hommes de spiritualité se retirent dans le désert et développent une pratique ascétique mêlée d'éléments « gnostiques », qui leur permet de « monter au Paradis ». Cf. les Apophtegmes des Pères.

5. L'apport de la théo-cosmologie néoplatonicienne : Denys l'Aréopagite (env. 500) : Dieu est à la fois inconnaissable et manifeste, donc connaissable ; théologie apophatique (= radicalement négative) et cataphatique (= positive : le déploiement de Dieu). Combinée avec la notion de la Grande Ténèbre, cette théologie déterminera toute l'histoire ultérieure de la spiritualité chrétienne. – Pour l'Occident : Augustin (354-430) est la personnalité clef.

6. La spiritualité monastique du moyen âge : Benoît de Nursie (480-555/60) et sa Règle ; Bernard de Clairvaux (1090-1153) (prédications sur le Cantique des cantiques) ; Guillaume de Saint-Thierry († 1148/9) ; Hugues de Saint-Victor († 1141) ; Richard de Saint-Victor († 1173) ; François d'Assise († 1226) ; Bonaventure († 1274). Elaboration détaillée de la Voie ; approfondissement des analyses psychologiques (cf. les « Victoriens »).

7. La mystique « rhénane » : Hildegarde de Bingen (1098-1179) ; Hadewijch (autour de 1240) ; Mechthilde de Magdebourg (1208-1282/97) ; Marguerite Porète († 1310) ; Maître Eckhart (1260-1328) ; Jean Tauler (1300-1361) ; Henri Suso († 1366) ; Jan van Ruusbroec (1293-1381). Importance capitale des langues vernaculaires ; grande originalité et diversité des enseignements et des expériences, sur la base d'une théologie fondamentalement néoplatonicienne. Nombre de ces femmes remarquables étaient des béguines (= des religieuses qui n'ont pas prononcé des voeux).

8. La Réforme protestante, M. Luther (1483-1546), U. Zwingli (1484-1531), J. Calvin (1509-1564) est profondément marquée par la spiritualité médiévale, notamment « rhénane ». C'est grâce à la Réforme que la spiritualité monastique devient la spiritualité de tout le monde. Par la suite, cette spiritualité est représentée par Jakob Böhme (1575-1624) ; Joh. Scheffler (Angelus Silesius, 1624-1677) et le « piétisme ».

9. La mystique espagnole du XVIe s. : Ignace de Loyola (1491-1556) (techniques de visualisation) ; Thérèse d'Avila (1515-1582) (le « Château de l'âme ») ; Jean de la Croix (1542-1591) (la Ténèbre interprétée comme trois « nuits » : des sens, de l'esprit, de la foi).

10. Le quiétisme : Miguel de Molinos (1628-1696) ; Jeanne-Marie Guyon (1648-1717). Pratique de la « prière passive » et d'une vie retirée dans le Christ. Le quiétisme est combattu par l'Eglise catholique. Du côté protestant : Gerhard Tersteegen (1679-1769) ; J.-Ph. Dutoit-Membrini (1721-1793). Cf. aussi George Fox (1624-1691).

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